Malgré leurs zones d’ombre et la prédominance de l’informel dans leurs différentes filières, les industries audiovisuelles et cinématographiques semblent en pleine mutation. C’est ce qui ressort des résultats d’une étude récente réalisée par l’Unesco.
En novembre 2020, l’Unesco a initié une étude de 280 pages sur l’industrie cinématographique et audiovisuelle en Afrique, dans le but de contribuer au développement d’industries créatives et culturelles (ICC) sur le continent. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’un rapport récemment publié, qui a été présenté à Tunis par l’Unesco, mardi dernier, dans le cadre des JCC. Le rapport offre une cartographie de l’industrie cinématographique et audiovisuelle dans 54 Etats du continent africain, une analyse de ses forces et de ses faiblesses, ainsi que des recommandations d’action aux niveaux continental, régional et national. L’objectif global de ce rapport est de proposer une feuille de route pour le développement de ce secteur stratégique et accompagner les Etats membres dans la mise en œuvre de politiques pertinentes.
Un phénomène nommé « Nollywood »
Le rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture estime que grâce aux technologies numériques, la production et la distribution d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles sont en pleine croissance en Afrique ces dernières années. Le cas de «Nollywood», l’industrie du cinéma nigérien, avec environ 2.500 films réalisés chaque année, est emblématique à cet égard. « Il a permis l’émergence d’une industrie locale de production et de distribution avec son propre modèle économique. Pourtant, le potentiel économique des secteurs du cinéma et de l’audiovisuel reste largement inexploité sur la quasi-totalité du continent. En Afrique, ces secteurs représenteraient actuellement 5 milliards de dollars de revenus et emploieraient environ 5 millions de personnes », cite le rapport.
Le document ajoute plus loin que cette industrie pourrait créer 20 millions d’emplois et générer 20 milliards de dollars de revenus par an. Or, parmi les raisons relevées par l’Unesco, qui limitent actuellement les possibilités de cette industrie, la persistance de l’informel qui domine plusieurs filières de ce secteur.
« Seuls 44% des pays disposent de commissions cinématographiques nationales et 55 % seulement ont des politiques de soutien à l’industrie cinématographique », alerte l’étude.
D’autre part, l’Afrique apparaît, selon l’Unesco, comme de loin l’espace le plus mal outillé en matière de distribution cinématographique, avec seulement un écran pour 787.402 personnes. « Seuls 19 pays africains sur 54 (35 %) offrent un soutien financier quelconque aux cinéastes, le plus souvent sous la forme de petites subventions ou d’aides », note le rapport.
La Tunisie et le soutien du Cnci
Le déficit de liberté d’expression, la censure et l’autocensure sont cités parmi les freins au développement des industries cinématographiques et audiovisuelles. Tout comme le piratage qui fait des ravages en Afrique. En raison de l’insuffisance d’une organisation des marchés nationaux et régionaux, d’une politique incitative et d’une offre conséquente de contenus africains, les revenus générés par le secteur audiovisuel dans la majorité des Etats en Afrique vont au profit d’intérêts étrangers. D’autre part, la pandémie du covid-19 a davantage fragilisé le secteur cinématographique en Afrique au cours des derniers mois.
Néanmoins, le secteur présente quelques éléments d’espoir, comme le constate le rapport de l’Unesco : « Avant la pandémie, de nouveaux investissements français dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest, au Maroc et en Tunisie visaient, par exemple, à tripler le nombre d’écrans dans la région d’ici à 2024. Le Nigeria apparaît comme une vraie réussite, avec une augmentation de 200% des salles de cinéma entre 2015 et 2020 pour un nombre total d’écrans compatibles DCI3 de 237 en 2020. Les films de Nollywood concurrencent désormais les films hollywoodiens en nombre d’entrées ».
Dans sa cartographie de l’industrie cinématographique du continent, le rapport s’attarde sur la Tunisie. Et constate que les offres de formations aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel y sont très nombreuses, tant dans les instituts et écoles publiques que privées, qui proposent des cursus de longue durée et diplômants tout comme des formations courtes.
« La majorité des films tournés en Tunisie bénéficient de l’aide du Cnci, soit une moyenne de 20 films par an durant ces dernières années. Au total, les professionnels estiment le nombre de longs-métrages tournés chaque année en Tunisie à une quarantaine. En 2017, 37 longs-métrages et 41 courts-métrages, soutenus ou non par une subvention du ministère, auraient été tournés en Tunisie. Un autre signe de la prospérité de ce secteur est l’augmentation du nombre d’autorisations de tout type de tournage, qui est passé de 138 en 2016 à 150 en 2018 ».
En 2018, un système de guichet unique a été mis en place en Tunisie.
« Le nombre d’entrées de cinéma en 2019 a atteint 2,7 millions. On estime que les recettes ont atteint environ 8,3 millions dollars en 2019», évalue l’étude.